Crise environnementale

Lettre au monde pour la vie, la terre et le climat

Un appel internationaliste du MST face à la crise environnementale et à la dévastation capitaliste

Photo: Collectif de communication du MST en Bahia

Par le secteur de l’internationalisme du MST
De la Page MST

Salutations aux amis du Mouvement des Travailleurs Sans Terre du monde entier. 

En mai dernier, des milliers de personnes ont été touchées par les inondations dans le Rio Grande do Sul, notamment dans les quartiers de la Réforme agraire. Au total, 183 personnes ont perdu la vie et plus de 446 000 ont été contraintes de quitter leur domicile. 

Nos quartiers ont fait face à cette tragédie avec la solidarité d’autres familles de sans terre, de nombreux secteurs organisés et même de la communauté internationale. Une brigade de reconstruction, composée de camarades d’Amérique latine et d’Europe, a œuvré à la reconstruction des maisons et des espaces communs. Au bout d’un an, les familles installées ont réussi à récupérer une partie de leur production et de leurs sols grâce à l’agroécologie et à des techniques telles que les bio-intrants. Elles ont ainsi pu reprendre leur production et approvisionner plus de 50 marchés de la région de Porto Alegre. Cependant, elles ne reçoivent toujours pas d’aide financière des gouvernements fédéral et de l’État pour la reconstruction et le redressement financier. 

En juin, les pluies sont revenues, quoique en moindre quantité, et de nombreuses zones ont été à nouveau inondées, tant dans les villages que dans les villes. Pourquoi ? Parce que le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour lutter contre la crise climatique. La législation environnementale du Rio Grande do Sul, détruite pour favoriser la culture du soja et des matières premières agricoles, est restée intacte. À Porto Alegre, l’entreprise publique responsable de l’eau et de l’assainissement n’a reçu aucun investissement pour lutter contre les inondations, car la municipalité envisage de la privatiser. Cet épisode illustre parfaitement ce que nous avons dit : le capitalisme traverse une crise structurelle, incapable de résoudre les problèmes qu’il crée lui-même ou qu’il devra s’auto-refuser. 

L’expansion de l’agro-industrie dans les espaces naturels communs est au cœur de la crise environnementale. L’élevage et la production de soja, en particulier, ont affecté non seulement le biome amazonien, mais se sont également étendus à certaines zones du “Cerrado”, provoquant des crises hydriques dues à la perte de végétation indigène. Les données de MapBiomas montrent que la région a perdu 22 % de sa végétation indigène entre 1985 et 2022, passant de 107 millions à 83 millions d’hectares. Au cours de la même période, la superficie consacrée à la production de soja a été multipliée par près de 20, passant de 620 000 à plus de 12 millions d’hectares. 


Photos: Nacho Lemos

Parallèlement, l’agro-industrie bénéficie d’importants financements publics. Outre la répartition inégale des crédits agricoles par rapport à l’agriculture familiale et paysanne, les données indiquent que les banques publiques et privées ont versé 205,6 milliards de reais brésiliens depuis 2009 aux exploitations agricoles ayant déforesté en Amazonie. Outre la production de matières premières, ce modèle inclut l’utilisation intensive de pesticides. Dans le Maranhão, par exemple, un État de la région amazonienne et l’une des nouvelles frontières agricoles, la consommation de pesticides a augmenté de 200 % en dix ans, tirée par la culture du soja. 

Cet épisode illustre également ce que les populations les plus pauvres du monde verront lors de la prochaine COP30, qui se tiendra au Brésil en octobre. Une fois de plus, les pays devront affronter les fausses solutions du « capitalisme vert », comme les crédits carbone, ou avoir le courage d’affronter le capitalisme et un mode de production basé sur les énergies fossiles et la destruction de l’environnement. Pour nous, le MST et La Via

Campesina, la question environnementale ne sera pas véritablement abordée par les classes dirigeantes ; sa solution incombe aux classes populaires des campagnes et des villes, par le biais de l’organisation populaire, en dénonçant les véritables responsables de la crise et en proposant des propositions pour construire une autre forme de production et de reproduction de la vie, fondée sur des relations saines entre les êtres humains et l’environnement. En ce sens, nous exigeons : 

a) Respecter et progresser dans le cadre des accords internationaux, tels que les promesses de l’Accord de Paris sur le climat, afin que les pays développés fournissent 300 milliards de dollars par an pour répondre aux besoins des pays en développement. Exiger que les pays développés responsables de la pollution de l’eau, des sols et de l’air par des déchets toxiques et dangereux, y compris les déchets nucléaires, assument les coûts de dépollution et cessent de produire et d’utiliser ces déchets. 

b) Un programme de transition est nécessaire pour un modèle qui atténue et adapte les systèmes énergétiques à base de carbone, avec une planification, une participation sociale et des canaux de financement pour les pays du Sud en fonction de leurs besoins, qui favorisent la diversification de la matrice énergétique, la promotion de l’efficacité énergétique et la garantie de l’approvisionnement en matières premières pour toute transition énergétique à court terme. 

c) Protéger et stimuler l’agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire, en remplaçant les pratiques agro-industrielles néfastes par une production agroécologique. 

d) Des politiques efficaces de reforestation et de lutte contre la déforestation, avec toutes les mesures nécessaires pour éviter le point de non-retour en Amazonie, en protégeant 80 % de la forêt et en garantissant la fin de toute déforestation illégale d’ici 2027, en stoppant l’expansion de la frontière agricole, en sanctionnant les entreprises et les responsables de l’appropriation des terres et de l’expulsion des populations et des produits forestiers qui contribuent à la déforestation, à la dégradation et à la pollution. Il faut également interdire l’affectation des ressources allouées par l’Accord de Paris à l’agro-industrie, à l’exploitation minière et aux fausses solutions de reboisement des zones de protection permanente. 

e) Garantir la participation effective des populations forestières tout au long de la chaîne de production énergétique, dans le cadre des processus de planification, de gestion et de gouvernance, pour la construction d’une transition énergétique juste, populaire et inclusive. 

f) L’eau doit être utilisée efficacement, en garantissant la priorité à la consommation humaine et animale et à la production agroécologique. 

g) Arrêter et combattre immédiatement l’exploitation minière illégale. 

h) La population, en particulier les populations forestières et celles affectées par le changement climatique, doit avoir un siège, une voix, un droit de vote et un droit de veto au sein des organes de formulation, de décision et de contrôle de l’utilisation des ressources, des projets et des chaînes de production ayant un impact significatif sur les territoires.

En effet, l’échec des précédentes COP ne laisse pas présager que cette prochaine édition soit en mesure de lutter contre les effets de la crise climatique. Par conséquent, la lutte du Mouvement pour la Réforme Agraire Populaire englobe non seulement la démocratisation de l’accès à la terre et la production d’aliments sains, mais aussi l’idée que les paysans sont les gardiens des biens communs de la nature. C’est dans ce contexte que notre Plan national de plantation d’arbres vise à reboiser nos territoires avec l’objectif d’atteindre 100 millions d’arbres en dix ans. Outre la lutte environnementale, les prochains mois devraient également être marqués par une intensification de la lutte des familles sédentaires et campées pour respecter les objectifs et les accords du gouvernement fédéral et débloquer la réforme agraire. Cette année, le gouvernement a annoncé l’installation de 4 883 nouvelles familles, mais 65 000 autres familles luttent encore pour obtenir des terres. 

Enfin, nous poursuivons la lutte pour la terre et la réforme agraire populaire, sans pour autant perdre de vue le génocide quotidien à Gaza et la terrible crise sociale qui ravage Haïti, tous deux résultant des politiques des grandes puissances de l’Atlantique Nord envers le Sud. Il est du devoir de tous les internationalistes du monde de lutter et d’exprimer leur solidarité avec les peuples en lutte en Palestine et en Haïti ! 

Puisse l’exemple de la résistance palestinienne nous inspirer pour relever les grands défis de la lutte planétaire pour protéger notre maison commune et construire une société plus juste et plus égalitaire. 

Bon combat à tous ! 

Section Internationalisme du MST 

Traduction : Francia Pierrette